APIVIA, vers une folle remontée
Après avoir franchi le cap Horn ce 3 janvier en deuxième position à 14 heures et 56 minutes de Yannick Bestaven, Charlie Dalin piste sans relâche la trace de l’actuel leader échappé depuis le 15 décembre au large de l’Australie. APIVIA a alors d’abord marqué son retour dans l’Atlantique par une offensive stratégique audacieuse en choisissant une route plus directe, le faisant passer par le détroit de Le Maire quand son concurrent choisissait une route orientale. Mais soixante-douze heures et un anticyclone placé au Nord des Îles Falkland plus tard, les phénomènes météos ont accentué le retard que porte Charlie sur Yannick Bestaven à 411 milles marins ce jeudi matin. Heureusement, la route vers les Sables d’Olonne est encore longue et semée d’embûches…
L’instantané : Charlie retouche du vent
Ça va enfin accélérer au large des côtes sud-américaine après plusieurs jours de calme générés par l’anticyclone placé au Nord-Est des Îles Falkland (Les Malouines) qui a permis à Yannick Bestaven de prendre la poudre d’escampette. Deuxième dans une lutte au coude à coude face à Thomas Ruyant, Charlie vise une dépression qui vient de se créer le long de la côte : « Je vais avoir pas mal de vent cet après-midi, plus de 30 nœuds sans doute, j’envisage de virer de bord en fin de journée pour faire une route avec plus d’Est. Cette nuit, j’ai eu entre 18 et 24 nœuds de Nord-Est au près avec une mer plate donc ça ne tapait pas tant que ça. La nuit fut agréable avec un magnifique coucher de soleil ».
La journée type : « 7 heures de météo par jour »
« Je passe 5 à 7 heures par jour devant l’ordinateur pour préparer ma météo. Deux blocs se distinguent : le premier se déroule dans la matinée, vers 7-8h TU et le second le soir vers 22h TU. J’étudie tous les nouveaux fichiers qui me parviennent plusieurs fois par jour. Il m’arrive d’y revenir pendant la journée si j’ai des choix à éclaircir. » Si ces derniers jours ont été pénibles, l’arrivée de cette dépression va permettre à Charlie d’avancer plus significativement vers l’équateur où les phénomènes météos aléatoires et soudains peuvent rebattre les cartes. « La dépression d’aujourd’hui devrait me propulser assez loin, je devrais retrouver des conditions plus légères ensuite. Je n’ai pas de visibilité jusqu’à l’équateur, j’arrive seulement à prédire un avenir à 4 jours devant moi », détaille le skipper d’APIVIA, stakhanoviste de l’exercice météorologique. « Il m’arrive de router mes concurrents de temps en temps sans que ce soit toujours très pertinent. En fait ça dépend de mon humeur », rigole-t-il, ajoutant que l’une de ses prédictions informatiques le donnait hier « tout près de Yannick au large de Salvador De Bahia »… De bon augure pour le moral mais à réévaluer chaque jour pour s’assurer de la fiabilité des fichiers.
L’ascension du jour : la tête de mât
Une vidéo de Charlie, casqué, baigné par un ciel d’azur tout en haut de son mât, c’est peu banal. « Mon anémomètre s’est rompu dans la grosse tempête de l’Indien mais j’ai trouvé un moyen de le remplacer en plaçant une perche sur mon tableau arrière. J’avais un vent forcément moins précis surtout dans les petits airs mais dans le médium et le vent fort ça allait très bien, il fallait simplement penser à changer la perche de côté à chaque nouveau bord. C’était juste un peu moins précis », explique le skipper d’APIVIA. « La montée en tête de mât s’est bien déroulée, la manipulation a été faite en une fois mais c’est sûr que ça fait drôle de se retrouver tout là-haut. Tu sens la moindre petite vague directement et ça bouge fort donc je guettais les risées. J’ai vu des albatros par le dessus, c’était assez drôle et je pense que ça n’a pas dû arriver à beaucoup de personnes », se réjouissait-il ce matin. « C’était ma première montée en tête de mât du Vendée Globe et ma première tout court en solitaire en IMOCA. Dans mes souvenirs, j’étais déjà monté pendant une course en solitaire en Figaro, pareil au milieu de nulle part, entre les Açores et la France. »

La phrase du jour : « Je vis des changements de saison en accéléré »
Après 60 jours de mer, les organismes fatigués par le froid, le vent et le manque de sommeil accueillent le retour des températures comme une bénédiction. « Cette nuit, j’ai pas mal progressé vers le Nord et ça se ressent vraiment au niveau des températures. Il fait 14 degrés dans le cockpit et ça fait du bien, tu sens vraiment que ça se radoucit, même la nuit. J’en ai profité pour ranger ma garde-robe hivernale : toutes mes couches intermédiaires épaisses, mes gants, mes bonnets, mes chapkas. J’ai ressorti mes vêtements de mi-saison mais franchement je n’ai pas froid du tout, mon corps s’est habitué au froid et si je compare mon habillement actuel pour ces températures avec ce que je portais à l’aller à ces mêmes températures, je suis beaucoup moins couvert », détaille Charlie, ravi de profiter de cette douceur printanière. « Le soleil influe sur le moral, comme en France quand on sort de l’hiver. Sur mon bateau, je vis des changements de saison en accéléré et je profite de cette période dans cette zone géographique où les températures sont parfaites pour moi, ni trop chaudes ni trop froides. »
La question du jour : « Bientôt la douche ? »
On le sait tous, le grand Sud n’incarne pas la partie idéale pour prendre une douche. A défaut de savoir à quand remonte la dernière prise par les skippers, on se préoccupera de la prochaine et Charlie planifie de fait sa première douche de l’année juste après la dépression du jour. « C’est compliqué de trouver un temps pour ça dans le grand Sud, voire impossible… Je me lave quand même tous les jours avec des lingettes mais juste après la dépression d’aujourd’hui, je devrais avoir un créneau pour me doucher et j’ai hâte ! J’ai aussi au programme une lessive à faire en prévision des vêtements chauds à remettre pour l’approche finale des Sables d’Olonne et le retour à l’hiver pour nous. »
Automne, printemps, été, hiver : sur les eaux, il n’y a plus de saison pour chasser le gibier avant qu’il ne trouve refuge au port des Sables d’Olonne. Il reste un quart de course et Charlie possède encore plusieurs cordes à son arc pour accomplir une folle remontée !
Repères APIVIA Vendée Globe 2020/21
- Date et heure de la news : jeudi 7 janvier – 12h00
- Classement : 2e
- Distance au 1er : 428,64 milles (793,84 km)
- Vitesse : 12,58 nœuds (23,3 km)
- Cap : 354°
- Distance à l’arrivée : 6 039,84 milles (11 185,78 km)