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Au beau milieu d’un océan déchaîné, les skippers ont déjà de quoi sentir leur cœur battre la chamade. Mais par grand froid, leurs efforts décuplés poussent leur corps aux limites de ce qu’il peut encaisser. Sans entraînement aussi intense que celui d’un athlète, on peut pratiquer une activité physique par temps froid, à condition d’être prudent et de veiller, en particulier, à ne pas trop en demander à son muscle cardiaque.
Premier effet du froid, la contraction instinctive des vaisseaux sanguins a pour objectif de limiter l’afflux de sang dans les tissus périphériques du corps et, donc, la perte de chaleur (hypothermie). Cette thermorégulation, qui court-circuite l’oxygénation de nos extrémités, et qui se produit plus rapidement chez les femmes, permet de maintenir une température stable autour de nos organes vitaux et protège donc nos fonctions vitales. Mais les pieds, les mains et le visage sont impactés.
Si le froid est intense (en dessous de 0°) et si le corps n’arrive pas à réguler sa température, le sang stagnant dans les tissus périphériques finit par geler, puis c’est au tour des cellules qui, heureusement, n’éclatent et ne meurent qu’à partir d’une température intérieure de -15°. Les engelures des doigts, des orteils ou encore des oreilles sont des lésions bénignes souvent dues à la combinaison du froid et de l’humidité. Elles sont bien connues des skippers. Mais les gelures peuvent être graves et nécessiter des soins hospitaliers, avec un risque d’amputation dans les cas les plus sérieux de nécrose, c’est-à-dire quand l’os est atteint. Le signe clinique majeur, expliquent les Hôpitaux universitaires de Genève, est « une perte de sensibilité avec une absence de douleur ». Leur conseil : « se méfier des gelures lorsqu’une personne qui se plaignait du froid, alors qu’elle est toujours exposée, ne se plaint plus et dit ne plus avoir mal ».
Autres impacts. Pour maintenir une température stable, l’organisme va aussi devoir dépenser plus d’énergie et donc consommer plus d’oxygène. Le cœur va être davantage sollicité, ce qui peut avoir des conséquences sur les personnes vulnérables aux accidents cardio-vasculaires. En montagne, les accidents cardiaques représentent la deuxième cause d’interventions des médecins urgentistes, derrière les entorses et les fractures. Enfin, les tendons sont plus sollicités et les tendinites beaucoup plus fréquentes en hiver.
Nos climats tempérés ne nous préservent pas toujours des effets graves du froid, certaines populations étant à risque : les personnes en situation de précarité vivant dehors, les travailleurs en extérieur et les sportifs. Pour rappel, les premiers ne bénéficient du plan Grand Froid que lorsque la température ressentie se situe entre -5 et -10 degrés la nuit et tombe en dessous de zéro le jour, alors que les gelures peuvent apparaître après une exposition plus ou moins longue à une température inférieure à 0 °C.
Autre population inattendue, les personnes saoules qui, après une grosse bringue dans une station d’hiver, s’endorment dans la neige… Ne riez pas, le phénomène est croissant, selon le Dr Marie-Anne Magnan.
Faire du sport quand il fait froid
En règle générale, une fois passée la phase d’adaptation du corps, la température autour du cœur, des poumons et du cerveau étant en quelque sorte sécurisée, les vaisseaux sanguins se dilatent à nouveau pour que toutes nos cellules soient à nouveau bien oxygénées. Notre nez et nos oreilles rouges en témoignent, colorés par l’afflux de sang !
Quelle est la température la plus basse à laquelle un sportif devrait s’autoriser à courir ? -20°C estiment les Scandinaves, adaptés à ces températures. -10°C est la limite, selon le docteur Jean-Baptiste Grisoli, ancien médecin de l’équipe de France de rugby. Le problème du froid, explique-t-il dans les lignes de Slate, est qu’il va augmenter le rythme cardiaque pour un même effort, irriter les voies respiratoires, et réduire le calibre des bronches, ce qui présente un risque, notamment pour les asthmatiques. Inspirer par le nez et expirer par la bouche permet de protéger les bronches de l’air froid. Le cœur étant déjà très sollicité, il va l’être encore plus pour fournir l’oxygène nécessaire aux muscles en action. Si certains conseillent de mettre à profit cet effort pour tonifier le muscle cardiaque, il faut impérativement rester raisonnable. Selon John Honerkamp, entraîneur des New York Road Runners, « il est essentiel d’adapter ses objectifs aux conditions climatiques, plutôt que d’essayer de reproduire nos performances habituelles ». Petit aparté qui a son importance : cigarette, accélération du poul et froid ne font absolument pas bon ménage.
La quantité de nourriture pourra être augmentée, en particulier les féculents. D’autant que l’un des avantages de faire du sport par temps froid est de brûler plus de calories et de mieux stimuler la transformation de la graisse blanche (celle dont on veut se débarrasser) en graisse brune (celle qui est utile). Mais non, pas de fausse joie ! Le nombre de calories dépensées reste insuffisant pour envisager compenser dindes et autres bûches de Noël…
Les conditions nécessaires pour affronter le froid ? Une bonne préparation, car un échauffement long est indispensable sur des muscles moins chauds. Et des vêtements adaptés : à cet égard, les skippers adoptent le classique sandwich en trois couches : une couche de sous-vêtements techniques évacuant la transpiration, une couche isolante conservant la chaleur, comme une salopette en fibre polaire, et une dernière couche imperméable à l’eau et au vent, un ciré lourd qui servira de bouclier contre l’eau salée et glaciale. Sans oublier de protéger les extrémités, par où la déperdition de chaleur est la plus importante, et de bien contrôler l’étanchéité au niveau des poignets et du cou car, au contact de l’eau, la chaleur du corps se disperse trente fois plus vite que dans l’air. Pour son premier Vendée Globe, Charlie a embarqué trois cirés lourds, un top, trois pantalons, des hauts en mérinos, cette laine qui tient bien chaud, est très douce, et sèche très vite. Mais c’est surtout à son mental que Charlie doit faire appel, car il a beau être préparé, le passage des mers chaudes aux Cinquantièmes hurlants impose de savoir s’adapter rapidement au froid, qui glace les mains. Les doigts et le visage font mal, le corps est engourdi par l’atmosphère polaire, autant de sensations physiques démultipliées par un ressenti subjectif, le cerveau (et en particulier son « thermomètre », l’hypothalamus) estimant que le froid est encore plus intense qu’il ne l’est réellement, en raison du manque de sommeil, du stress et de la fatigue.
Lorsqu’on est bien préparé et bien équipé, la pratique d’un sport par temps froid peut aussi présenter bien des avantages. Outre les bénéfices de continuer à pratiquer prudemment son activité physique, indispensable à une bonne santé, sortir par temps frisquet aura aussi pour effet de se forger son mental d’acier à soi (il n’y a pas que les athlètes qui y ont droit), et de continuer à libérer des endorphines, ces hormones qui interviennent dans les circuits de la récompense et du plaisir, et réduisent le stress. Une incidence psychologique dont nous avons bien besoin pendant cette période hivernale propice à la morosité, voire à la déprime.