Ambiance shaker pour APIVIA
APIVIA compte 200,33 miles ce samedi matin sur Thomas Ruyant (LinkedOut), nouveau 2e, et progresse, dans un vent soutenu et une mer croisée, en glissant vers le Sud-Est. Si la latitude des Iles Kerguelen devrait être doublée demain soir, l’idée à terme est d’accrocher un front froid (limite entre deux masses d’air) avec de puissants vents de Nord-Ouest qui pourraient pousser Charlie vers le Cap Leeuwin, en route directe. Un nouveau cap, dans tous les sens du terme, qu’il pourrait atteindre dans moins d’une semaine. A suivre…
Il y a des noms qui résonnent dans toutes les têtes… Et les îles Kerguelen font partie de ceux-là ! Éloigné à plus de 3 250 kilomètres de La Réunion, cet archipel a été découvert le 12 février 1772 par le navigateur breton Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec et constitue l’un des cinq districts des fameuses TAAF (pour Terres Australes et Antarctiques Françaises), avec l’archipel Crozet, les îles Eparses de l’Océan Indien, les îles Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam et la Terre Adélie. Si une colonie de scientifiques y est établie à l’année, le plus fort de la population est constitué de manchots regroupés par milliers sur les plages, d’albatros nichés dans les falaises et d’éléphants de mer posés entre terre et océan.
APIVIA devrait croiser la longitude de cet archipel du bout du monde dès dimanche fin de journée, porté et poussé par la bordure Nord d’une énorme dépression, dont le cœur est placé dans les 55° Sud. 30 à 40 nœuds de vent de secteur Nord-Ouest à Sud-Ouest, 5 à 6 mètres de mer, tel est le menu quasi-quotidien de Charlie. « Je sors rarement. Je suis soit à l’intérieur, soit dans le cockpit pour régler et faire un tour d’horizon. Je vis aux heures des fichiers météo : 7/8 heures le matin, 19h/20h le soir. J’ajuste ma trajectoire. Voilà ma routine. Pour le reste et notamment manger, j’essaie de rester sur l’heure solaire ». Le Sud est là, bien là… dehors comme dedans. Le pilote automatique fait le job 24h/24, suivant au millimètre la trajectoire travaillée par Charlie, concentré à optimiser la vitesse et la sécurité d’APIVIA en adaptant ses surfaces de voile, en fonction des grains et de l’état de la mer. « Je suis dans le compromis. Les manœuvres, ça prend du temps, ça a un prix, donc, il faut que ce soit rentable. Hier, je me suis fait piéger. Ça a molli un peu, j’ai renvoyé de la toile et juste après, c’est rentré fort. J’ai fait un beau planté. La route est longue ». Un océan Indien comme d’habitude peu coopératif, entre ses courants omniprésents, ses remontées océaniques croche-pieds, ses vagues XXL et cette mer croisée qui bringuebale APIVIA ambiance shaker. « L’autre jour, j’ai carrément volé à l’intérieur du bateau. Heureusement qu’il y avait mes filets entre les structures pour me retenir… ». Du coup, difficile, voire impossible d’exploiter pleinement le potentiel d’APIVIA qui surfe, tape, plante, accélère ou freine violemment, pouvant occasionner d’énormes pressions dans le gréement et d’efforts sur le bateau.

Côté course, Charlie et APIVIA ont dû adapter leur stratégie et leur trajectoire à l’évolution de cette dépression chronophage qui ne cesse de s’étendre et cette fameuse ZEA (Zone d’Exclusion Antarctique), très Nord au niveau de l’archipel Crozet et très Sud à la hauteur des Kerguelen. Un S tendance chicane Indienne, imposée par la dérive de glaces surveillées par la Direction de Course du Vendée Globe, mais qui va permettre à Charlie de plonger au-delà des 40e Rugissants, pour aller taquiner les 45° Sud, avant d’orchestrer un nouvel empannage (changement de bord vent venant de derrière) pour se recaler sur une route directe. « J’attends la bascule de vent (à l’Ouest) la nuit prochaine. Ça va me permettre d’empanner vers un nouveau front en approche et si tout se passe bien, c’est un bord qui pourrait nous envoyer jusqu’au cap Leeuwin. Si le timing est bon, si j’arrive à maintenir le rythme, avant la fin du week-end je suis en bâbord amure, route directe vers le prochain cap ».
Le mot à retenir :
Charlie Dalin (Skipper d’APIVIA) : « Le souci, c’est la mer croisée. Le vent alterne entre le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, donc tu navigues perpendiculaire à la houle. Et dès que tu prends une vague, la plupart du temps, ça se termine en planté. Quand tu pars en surf, tu serres un peu les fesses… Michel Desjoyeaux m’avait dit : l’océan Indien c’est la pire section du Vendée Globe. Le Vendée Globe n’est pas terminé, mais pour l’instant, c’est bien dans le Top des endroits les moins sympas que je connaisse ! »
Icebergs et growlers sous haute surveillance…
Les glaces, icebergs et growlers (morceaux de glace générés par la dislocation des icebergs), ont toujours fait partie de l’histoire du Vendée Globe… Il faut se rappeler que les trois premières éditions (1989, 1992 et 1996) n’avaient que trois points de passage obligés : les caps de Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn. Et nul besoin d’être mathématicien pour comprendre que, plus on passe à du Pôle Sud, plus on diminue le nombre de milles à parcourir… De fait, et afin de ne plus voir l’incroyable photo de Jean-Luc Van Den Heede en 1992 entouré de glaces dérivantes ou d’entendre Sébastien Josse en 2004 expliquer qu’il avait percuté un growler, la direction de course a imposé au fil des éditions des points de passage obligés, des portes de glaces et enfin, une Zone d’Exclusion Antarctique. Aussi, pour mettre en place et dessiner les contours de cette ZEA, la Direction de Course s’appuie sur CLS (Collecte Localisation Satellite), filiale du CNES, qui propose son expertise en traitement de données satellitaires radar, altimétriques (mesures de la hauteur de mer) et en modélisation de courants océaniques, dans le but de détecter la présence et de prévoir la dérive des icebergs tout autour de l’Antarctique. Il faut savoir que « sur les trois dernières éditions du Vendée Globe, plusieurs dizaines d’icebergs, pouvant menacer le parcours des skippers, ont été détectés par CLS ». De vrais satellites anges gardiens…
Repères APIVIA Vendée Globe 2020/21 :
- Date et heure de la news : samedi 5 décembre – 9h00
- Classement : 1er
- Avance sur le 2e : 200,3 milles (371,01 km)
- Vitesse : 17,78 nœuds (32,93 km/h)
- Cap : 115°
- Distance à l’arrivée : 16 019,7 milles (29 668,5 km)