APIVIA en course-poursuite dans le Pacifique
Après une semaine mouvementée marquée par son avarie de cale basse de foil bâbord lundi dernier, Charlie Dalin a pu reprendre sa route et entrer dans l’Océan Pacifique dans la peau du « chasseur » à 136 milles marins ce midi du leader « chassé », Yannick Bestaven. Si la tête de flotte du Vendée Globe passera d’ici peu sous la barre symbolique des 10 000 milles à parcourir, la retenue reste de mise tant la route d’ici les Sables d’Olonne est encore longue. Après le cap de Bonne Espérance et le cap Leeuwin, le prochain se positionne justement à la sortie du Pacifique et sera matérialisé par le passage tant redouté mais tant apprécié du mythique cap Horn d’ici une dizaine de jours. La sortie d’un long tunnel de plus d’un mois de mers hostiles.
Le point géo et météo : Pacifique calme, cap Horn violent ?
« Le Pacifique ? C’est le même temps que l’Atlantique Nord au printemps ! », telle est la prédiction que le grand sage de la météorologie marine, Jean-Yves Bernot, avait promis à ses disciples dont Charlie Dalin fait partie. Le gourou de la course au large ne se trompe que rarement et les vidéos des derniers jours tendent à lui donner raison : pas de tempête à l’horizon, de belles conditions de navigation et une mer beaucoup plus praticable que dans l’Océan Indien.
« On peut avoir des dépressions virulentes comme en Europe au printemps mais ce n’est pas le cas en ce moment et c’est tant mieux ! », analyse Charlie Dalin, précisant que le prochain point de passage « chaud » de son Vendée Globe serait le cap Horn. « Les vents peuvent être violents car ils s’engouffrent entre la Cordillère des Andes et l’Antarctique comme dans un goulet. Bien que le vent soit moins fort côté Antarctique, on risque de tous passer le cap Horn du côté de la côte Sud-Américaine où le vent et ses rafales sont forts ; ce sera vraiment un endroit où il faudra redoubler de vigilance », prévoit le skipper havrais. Cette dernière semaine a vu les skippers oser plus d’options tactiques grâce à un terrain de jeu plus ouvert mais aussi à cause d’une météo plus capricieuse qui les oblige à manœuvrer pour rester dans la zone la plus ventée. « On n’a pas vraiment le choix, on doit tricoter au portant parce qu’on est bloqués par un anticyclone au Nord et la zone des glaces au Sud donc on essaie de rester dans le faible flux d’air en gérant les bascules de vent comme en régate », explique Charlie, désormais second à 136 milles marins de Yannick Bestaven.
La mentalité du jour : « Presque invincible »
« Ça a l’air d’aller », lance Charlie Dalin au moment de dresser un état des lieux de sa réparation de cale basse de foil bâbord suite à l’avarie de la semaine passée. « Je navigue en tribord en ce moment (donc en appui sur le foil bâbord et sa cale réparée) et APIVIA semble bien se comporter donc tant mieux ! Je croise tous les doigts pour que ça tienne ! » L’avarie survenue il y a une semaine pourrait même avoir renforcé le mental de Charlie à en croire ses impressions ressenties avec un peu de recul : « Franchement, après la réparation, je me suis senti presque invincible, un peu comme quand tu passes une violente tempête sans trop d’encombres », confesse-t-il, tout en ajoutant que cette euphorie de super-héros ne dure pas, « tu ressens un peu un contrecoup après, une fois que l’adrénaline retombe… Je ne m’étais pas préparé ni mentalement, ni techniquement à fabriquer une cale basse de foil », reconnait le skipper d’APIVIA, « mais ça m’a forcément touché de subir cette avarie. C’était d’autant plus cruel que je menais la flotte depuis un bout de temps, mais chacun a son lot de problèmes et ça fait tout le sel du Vendée Globe. »

La recette pour gagner : « Un savant compromis »
Mener et remporter le Vendée Globe s’avère une labeur qu’un groupe de prétendants besognent dans le Pacifique mais quels sont les ingrédients d’une victoire ? « Un mix de vitesse et d’options payantes », note Charlie, lui qui a trusté le podium de la Solitaire du Figaro à cinq reprises. « C’est un savant compromis à trouver entre le fait de tirer sur ton IMOCA et de le préserver d’une casse matérielle rédhibitoire. A ces paramètres, il faut évidemment naviguer dans le bon sens tout en ayant la petite part de réussite qui accompagnent tous les futurs vainqueurs. C’est une question de timing à grand échelle : faire les bons choix au bon moment, préserver son bateau, réduire la toile, changer ses voiles, se reposer, attaquer, etc… »
Le fait du jour : « Je revis ce dimanche deux fois ! »
Ce dimanche ne ressemblera pas à tous les autres à bord d’APIVIA… Si un long métrage devait le qualifier, on serait entre « Une journée sans fin » et « Un long dimanche de fiançailles » car le marin de 36 ans a eu la chance de rajeunir d’une journée en un claquement de doigts au bénéfice du passage de l’antiméridien. « Je revis ce dimanche deux fois ! », s’enthousiasmait Charlie hier. « Depuis le passage du méridien de Greenwich au cap de Bonne Espérance, je naviguais en longitude Est, le passage de l’antiméridien symbolise le passage en longitude Ouest. Je suis passé de plus douze heures par rapport à Greenwich (l’heure « TU ») à moins douze heures. J’ai donc eu droit à deux dimanche 20 décembre, mais ce que je retiens c’est que je me resynchronise doucement avec la France et c’est bon signe… En plus, les jours commencent à s’allonger jusqu’au 21 juin. » Charlie affectionne en effet particulièrement cette date du 21 décembre, solstice d’hiver et signe que les beaux jours reviennent.
L’instant Noël : « J’essaie de ne pas ouvrir mes cadeaux mais c’est dur ! »
A quoi peut bien ressembler le 25 décembre en mer ? Charlie ne le sait pas encore mais son impatience d’enfant commence à gagner du terrain dans sa tête. « J’ai commencé à apercevoir des cadeaux dans mon sac de nourriture… Je vais essayer de ne pas les ouvrir mais c’est dur », avoue le Havrais, qui se prépare à vivre son premier Noël en mer tout seul et loin de sa famille. « Avec le passage de l’antiméridien, je me suis un peu emmêlé les pinceaux avec mes sacs d’avitaillement, en fait j’ouvre un nouveau sac à chaque lever de soleil mais là j’ai comme l’impression de m’être perdu dans les jours… », signale-t-il avec le sourire comme pour s’absoudre d’ouvrir ses cadeaux de Noël une journée trop tôt.
Repères APIVIA Vendée Globe 2020/21
- Classement : 2e (classement de 15h)
- Vitesse : 15,08 noeuds (27,93 km/h)
- Cap : 71°
- Distance à l’arrivée : 10 687,8 milles (19 793,81 km)