Couloir imposé APIVIA !

MARDI 22 DéCEMBRE 2020

Couloir imposé APIVIA !

Une maille à l’envers, une maille à l’endroit… Les écarts jouent les aiguilles à tricoter en ce moment le long de la Zone d’Exclusion Antarctique. APIVIA pointe ce matin 9h00 à 91,3 milles (169 km) de Yannick Bestaven (Maître CoQ) et gagne 45 milles sur la journée d’hier. Charlie consolide également sa 2^e place et compte 74,3 milles (137,6 km) d’avance sur Thomas Ruyant (LinkedOut), comparé aux petits 30 milles (55,5 km) qui le séparaient hier même heure. Si Charlie peut s’en féliciter, la question du jour reste par contre d‘actualité : comment gérer cet anticyclone qui vient lentement et sûrement se placer juste devant l’étrave ? Eclairages…

On le sait : les années, les mois, les jours se suivent et ne se ressemblent pas… Aussi, Charlie et APIVIA peuvent oublier, pour le moment, les souvenirs des anciens et les pages des livres d’histoires véliques relatant les grandes glissades au portant dans la longue houle de l’océan Pacifique. On peut même affirmer, qu’actuellement, c’est un vrai record de lenteur pour le trio de devant, qui taquine les 10/15 nœuds de vitesse moyenne. Un océan bien trop pacifique, qui restera dans les annales de ce Vendée Globe 2020, avec ses vents entre 10 et 15 nœuds d’Ouest / Nord-Ouest et sa ridicule houle de Sud-Ouest de 1,5 mètre. A qui la faute ? Et bien, à cet anticyclone placé le long de la Zone d’Exclusion Antarctique qui n’en peut plus de prendre ses aises, générant de petites bulles sans vent de-ci delà. Un anticyclone qui a la délicieuse idée, en plus, de se déplacer vers le Sud-Est, soit pile-poil sur la route, étendant tout son ventre mou devant les étraves. Et tous les marins le savent : les petits airs sont de véritables pièges. Des sortes de nasse où, comme un poisson pris à l’intérieur, vous cherchez la sortie tout en observant à l’extérieur vos congénères soigneusement éviter de tomber dans le piège…

Car, en effet, si les zones anticycloniques peuvent en laisser filer certains, c’est souvent pour mieux en retenir d’autres. Et c’est exactement ce que tous redoutent en ce moment, voir filer Yannick Bestaven (Maître CoQ) qui est entré le premier au contact de la haute pression et qui pourrait être le premier à s’en sortir, bénéficiant d’un étroit couloir de vent encore disponible. Une échappée belle, tandis que Charlie pourrait assister derrière, dans un vent plus soutenu, à un retour de la meute de poursuivants sur le duo APIVIA / Linked Out. « On n’a pas vraiment le choix explique Charlie. On doit tricoter au portant parce qu’on est bloqués par un anticyclone au Nord et la zone des glaces au Sud, donc on essaie de rester dans le faible flux d’air en gérant les bascules de vent comme en régate ». Un timing réglé comme du papier à musique, avec l’œil rivé sur les fichiers météo qui, si tous s’accordent sur la présence de cette masse molle, diffèrent quelque peu entre les modèles européens et américains. Faudra-t-il longer la zone des glaces jusqu’à la fin de la semaine ? Ou faudra-t-il prendre sa respiration et attaquer l’anticyclone par la face Nord et tenter de la traverser pour en éviter le cœur et ses vents proches de zéro ? Importante et délicate question des jours à venir… Mais pour le moment, le menu n’est pas à la fête : peaufiner les trajectoires en gagnant un temps vers le Nord-Est jusqu’à buter sur le vent mollissant, avant d’empanner pour rechercher un peu plus de pression dans le Sud-Est. En ce mardi, pas vraiment de surprise ni de coup à tenter, mais bien s’adapter à ce couloir de vent aux figures imposées !

Le mot à retenir

Charlie Dalin (Skipper d’APIVIA) : « La recette pour gagner ? C’est un savant compromis à trouver entre le fait de tirer sur ton IMOCA et de le préserver d’une casse matérielle rédhibitoire. A ces paramètres, il faut évidemment naviguer dans le bon sens tout en ayant la petite part de réussite qui accompagnent tous les futurs vainqueurs. C’est une question de timing à grande échelle : faire les bons choix au bon moment, préserver son bateau, réduire la toile, changer ses voiles, se reposer, attaquer, etc… »

Charlie et Philéas Fogg !

Le passage de l’antiméridien reste un moment important dans la vie d’un tourdumondiste ! « Antiméridien franchit pour APIVIA… Une belle étape déclarait Charlie en cadrant sa vidéo sur son GPS basculant au 180° Est. Et comme je viens de franchir l’antiméridien, il est pour moi 10h20 dimanche. J’ai donc droit à un deuxième dimanche… Je vous dirais bien que dimanche où un autre jour, cela ne change pas grand-chose (sourires). J’ai à peu près les mêmes choses à faire… Mais en tous les cas, c’est une bonne chose de faîte ». Mais qu’est-ce que l’antiméridien si cher à Charlie ? L’antiméridien est le demi-cercle imaginaire passant par les deux pôles, situé à l’opposé du méridien de Greenwich (le méridien 0 nous donnant l’heure de référence ou Temps Universel). A l’Est de cet antiméridien, il est douze heures de plus que sur le méridien de Greenwich, et à l’Ouest, il est douze heures de moins. L’histoire aura surtout glorifié ce passage de l’antiméridien avec Philéas Fogg et Jean Passepartout, les deux héros du « Tour du Monde en 80 jours » de Jules Verne. En effet, Jean Passepartout se rend compte que Philéas Fogg et lui ont, en fait, gagné vingt-quatre heures dans leur périple, en accumulant les décalages horaires. Ce qui fait qu’ils sont arrivés un jour en avance quant au pari engagé devant les membres du Reform Club de faire le tour du monde en moins de 80 jours. Pour la petite histoire, Passepartout accourra prévenir Philéas de cette évidence, qui se rendra à toute vitesse au club et gagnera finalement, de quelques secondes, son incroyable pari. L’antiméridien, pas si anecdotique que cela finalement. A lire et à relire…