Des risques cutanés d’avoir l’océan dans la peau
Prenez beaucoup d’humidité, agrémentez de sel, ajoutez-y vent et soleil en quantité variable, secouez dans un Imoca lancé à pleine vitesse, et vous obtenez un cocktail idéal pour un traitement de peau qui ne laissera de marbre ni les visages, ni les fesses, ni surtout les mains des skippers.
La dermatologie maritime est une discipline encore jeune qui s’est un peu intéressée à la peau des marins pêcheurs et très peu à celle des skippers. Pourtant, les pathologies cutanées sont les plus fréquentes des affections médicales citées par les skippers, devant les problèmes digestifs et ORL. Si le méchant coup de soleil, source de cancer de la peau, n’est pas fréquent, car les skippers utilisent des crèmes solaires à fort indice et s’accordent peu de temps à faire bronzette à l’extérieur de leur cockpit, les dermites du siège sont très communes. Ces simples irritations des fesses peuvent devenir inconfortables, voire se transformer en folliculite bactérienne (ou furoncle), une infection très douloureuse des poils et de leur racine qui empêche la position assise. Viennent ensuite les desquamations et les plaies superficielles des mains, qui peuvent se surinfecter et devenir douloureuses. Dermabrasions, salabrasions, eczéma et hyperkératoses (épaississement de la peau) ferment le bal, avec les mycoses, elles aussi fréquentes chez les marins. Un examen de la pharmacie embarquée à bord des bateaux ne trompe d’ailleurs pas : plus d’un tiers des produits est à visée cutanée. Quand on sait qu’il faut 4 à 6 semaines aux cellules de la peau pour qu’elles se régénèrent, un délai beaucoup trop long pour un skipper, on comprend qu’il vaut mieux qu’il évite les dermatoses, qui peuvent lui faire vivre un enfer.
Avec l’humidité, la peau se flétrit et devient plus élastique, pour mieux chasser l’eau et améliorer la préhension. Conséquence : elle devient aussi plus tendre et plus fragile. Un choc, un frottement, un petit bouton que l’on gratte, peut dégénérer en plaie qui aura bien du mal à cicatriser dans un environnement salé. Par temps froid et venté, la plaie se fissure, avec un risque d’infection d’autant plus important que le système immunitaire des skippers s’est « mis en vacances« selon les termes du docteur J.Y. Chauve, médecin officiel du Vendée Globe. Un climat plus chaud n’est pas plus propice à une peau saine : le manque d’hygiène, car il faut bien avouer qu’un skipper se lave peu et porte ses vêtements pendant plusieurs jours, combiné à la chaleur, apporte les conditions idéales pour l’installation d’une mycose, créant une lésion prurigineuse, croûteuse et rouge, responsable d’une inflammation et, parfois, de vives démangeaisons. Laure Jacolot, médecin du sport, note aussi l’apparition de nouvelles pathologies de la peau qui pourraient être liées à l’environnement du bateau, en particulier des fibres de carbone, mais aussi au stress et au manque de repos. Les bobos dermatologiques des skippers ne sont plus pris à la légère.
A son retour, le skipper aura bien besoin de prendre soin de sa peau. Et pas seulement avec des pommades. Toucher, étreindre, se faire masser, lui permettront de renouer avec des interactions sociales et de retrouver des sensations corporelles agréables, toutes deux indispensables à l’équilibre psychologique. Sans oublier les câlins, comme on l’explique sur apivia-prevention.fr !
Texte : Jean-Christophe Moine