Prévention et récupération : la santé au service de la performance
La prévention et la santé étant au centre des métiers d’Apivia, c’est un sujet qui nous tient tout particulièrement à cœur ! Deux mois et demi après l’arrivée du Vendée Globe, alors que le bateau est encore en chantier, l’heure est à la fois à la récupération et à la préparation de la saison 2021 pour Charlie. En effet, la course à la voile en solitaire peut être très éprouvante pour le physique des skippers. Cela requiert donc une préparation minutieuse et exigeante. C’est pourquoi Charlie est entouré par toute une équipe médicale : médecin, ostéopathe, kinésithérapeute, nutritionniste… rien n’est laissé au hasard. Laure Jacolot, Médecin du Pôle Finistère Course au Large et Camille Hamel, ostéopathe affiliée au Pôle, exerçant toutes les deux depuis plus de 10 ans auprès de sportifs de haut niveau, nous en disent un peu plus sur leur rôle dans le suivi de Charlie.
Le suivi d’un sportif de haut niveau est un travail de longue haleine qui s’opère avant, pendant et après les courses et compétitions. Celui des skippers est assez spécifique car la course au large implique des contraintes qui lui sont propres. Par exemple, le fait de ne pas avoir accès aux soins pendant plusieurs jours, voire plusieurs mois dans le cadre d’un Vendée Globe. Comme le souligne Dr Laure Jacolot. « Quand on s’occupe de skippers qui font de la course au large, il faut avoir plusieurs casquettes. Il faut connaître les problématiques générées par la pratique de la voile, mais aussi les procédures de prise en charge sur l’eau. » Il est également nécessaire d’établir une relation de confiance avec le marin et d’apprendre à le connaître parfaitement pour pouvoir prévenir au mieux les risques et l’aider efficacement en temps de course. Le corps médical est donc là, à la fois pour préparer les sportifs, les aider en cas de soucis, mais également pour assurer le SAV et la récupération ensuite.
Une préparation millimétrée
La préparation s’opère autour de deux axes. Dans un premier temps, il faut « adapter l’homme à sa machine ». Le marin doit en effet pouvoir suivre le rythme du bateau. Ces derniers étant de plus en plus puissants et rapides, ils demandent des implications physiques, psychologiques et mentales de plus en plus importantes. Un long travail est donc effectué en amont pour éviter certaines blessures, et notamment les pathologies dites de contraintes. « Les skippers font des mouvements répétitifs lorsqu’ils naviguent, pouvant entraîner des problématiques telles que des tendinites. Mais ça s’anticipe. Plus on les prépare tôt, moins il y a de soucis sur l’eau. » Et cette préparation a commencé 3-4 ans avant le Vendée Globe pour Charlie.
Cela implique différents spécialistes, dont fait partie Camille Hamel, ostéopathe du Pôle. « J’ai suivi Charlie toutes ces dernières années, lorsqu’il était en classe Figaro, puis après sur son IMOCA. » En général, le suivi ostéopathique consiste en un travail de fond, qui s’opère au cours d’environ trois rendez-vous annuels : « Le but est de s’assurer qu’il n’y ait pas de blocages qui puissent par la suite s’aggraver et entraîner des blessures plus sérieuses. » Mais son accompagnement ne s’arrête pas là ! « Nous avons mis en place des aménagements sur le bateau afin d’améliorer son ergonomie. Par exemple, quand je suis allé à bord de l’IMOCA, je me suis rendu compte que dans certaines situations, la colonne lombaire de Charlie était en porte à faux, je lui ai donc conseillé d’optimiser certains aménagements afin de rendre la navigation moins traumatisante pour son corps… dans la mesure du possible ! » Oui… Les IMOCA restent des supports très contraignants pour le corps des marins.
Le deuxième axe de préparation consiste à rendre le marin autonome en cas de soucis lorsqu’il est au large. Comme nous le rappelle Dr Jacolot : « Une fois seuls en mer, les skippers sont à la fois nos yeux et nos mains en cas de problème. Donc on leur apprend les bonnes pratiques en amont. La première chose est de dédramatiser pour ne pas générer plus de stress. » Pour cela, Charlie a dû suivre la formation médicale hauturière avant son départ sur le Vendée Globe. Pose de perfusion, d’intraveineuse, suture, auto-examen et détection des pathologies dentaires, ORL, cardio-respiratoire, digestive, dermatologique… Tout est passé en revue pour assurer aux coureurs la plus grande sécurité lors des courses.

Les enseignements du Vendée Globe
Après la course, l’heure est au bilan. Et le corps médical a fait plusieurs constats suite au Vendée Globe. Les traumatismes les plus courants se trouvent au niveau des mains et des côtes. Pendant la course, le Dr Laure Jacolot a dû intervenir auprès de plusieurs skippers pour des traumatismes thoraciques, comme des fractures des côtes. Mais les pathologies numéro un sur toutes les courses restent les pathologies cutanées. Elles sont causées par l’environnement des skippers : le froid, l’humidité, les embruns, le fait de ne pas pouvoir se doucher quotidiennement… De plus, le fait de peu dormir et de changer de régime alimentaire retarde la cicatrisation des petites plaies. La solution est de changer de vêtements le plus souvent possible. « On fait de la prévention, mais en fonction des conditions météo, ils ne peuvent pas toujours se déshabiller et se changer, ils n’ont pas toujours l’énergie non plus. » explique le Dr Jacolot. « Ce sont des problématiques sur lesquelles nous devons travailler, d’autant plus que de nouvelles pathologies cutanées apparaissent, dont certaines que nous n’avions jamais vu avec le docteur Jean-Yves Chauve (médecin du Vendée Globe). Elles surprennent même les dermatologues. On va chercher à comprendre les facteurs environnementaux du bateau (carbone, peinture…) pour les prochains Vendée Globe, mais il se peut aussi que ce soit à cause de nouvelles espèces de phytoplanctons plus irritatifs. »
Du côté ostéo, Camille Hamel explique que beaucoup de marins souffrent de lombalgies. « Les skippers passent des heures et des heures à la barre en torsion avec un essorage des disques qui est hyper traumatisant. Le matossage (déplacement de matériel sur un voilier afin de le maintenir à plat), les chocs, le peu de répit, les conditions extrêmes, le froid, les manœuvres hyper violentes sans échauffement, tout ça c’est vraiment propice à des maux de dos et notamment des lombaires. Enormément de skippers souffrent d’hernies discales. » Les troubles musculosquelettiques sont également fréquents. Ils se caractérisent par des tendinites, surtout au niveau des épaules, car les marins tirent sur des bouts sans échauffements, de manière violente, continue et en force. En somme, pour être un skipper, il faut être un warrior !
Mais rassurez-vous ! Le bilan médical de Charlie post Vendée Globe est plutôt étonnant ! Camille Hamel raconte : « J’étais époustouflée de voir à quel point Charlie était en forme à son retour. C’était tellement étonnant qu’on a reprogrammé d’office une séance. Mais ça, c’est propre à chaque marin, à chaque athlète. La préparation joue énormément. Il y a aussi une histoire de constitution et de physiologie. »
La récupération active
Mais alors, comment les coureurs du Vendée Globe font-ils pour se remettre de ces épreuves et préparer la nouvelle saison qui arrive rapidement ensuite ?
Posons les bases. Il est établi qu’il faut entre 3 à 6 mois à un skipper pour se remettre du Vendée Globe. Ces derniers doivent recadrer leur sommeil, retrouver un fonctionnement physiologique et métabolique terrien, recréer leur masse musculaire… Ils passent énormément de temps à la colonne, à tel point qu’ils changent de schéma corporel. Pour se reconditionner, Charlie va suivre un programme de récupération très encadré par l’équipe médicale. « Evidemment, on surveille ça de près car les coureurs ont tendance à vouloir refaire immédiatement ce qu’ils faisaient avant de partir. Cependant, ce n’est pas encore possible d’un point de vue musculaire. A nous de mettre le curseur pour qu’ils ne se blessent pas. » nous explique le Dr Jacolot.
Les activités plaisir (à savoir, tout autre sport que la voile et qui plait au skipper), le temps passé en famille, le retour à un régime alimentaire plus varié et frais… sont aussi des éléments favorisant une récupération rapide. « Charlie est un très grand professionnel et il a cette capacité à se concentrer sur les objectifs à venir. Il sera prêt pour les prochaines courses et notamment pour la Jacques Vabre. » Et nous aussi, nous en sommes persuadés !